La distribution des prix

 Récompenser le mérite

 

 

L’usage a introduit, à époque fixe, chaque année dans un grand nombre d’écoles , des distributions de prix. Les parents, les autorités locales viennent applaudir et honorer les écoliers les plus méritants dans un cérémonial souvent pompeux.

Dès 1821, le Maire invite le Recteur d’académie à honorer de sa présence la distribution des prix organisée chaque année à la Fête de Saint Louis pour les élèves des Ecoles primaires de la Ville de Rouen.  Par ailleurs, il demande au recteur d’engager « MM. Les Maîtres d’Ecriture du Collège à examiner les élèves de l’Ecole d’Enseignement mutuel de la rue Saint Vivien et de l’Ecole primaire de Saint Sever, sur l’Ecrit, la Grammaire et le Calcul, et de[…] remettre, pour chaque école, la liste des enfants qui auront le mieux satisfait ».

Dans son manuel de l’enseignement primaire (1858), Eugène Rendu souligne surtout qu’il s’agit de « témoigner, devant tous les enfants, devant leurs familles, trop souvent indifférentes, de la nécessité de l’instruction, du rôle prédominant qu’elle doit avoir dans un pays de suffrage universel où chacun est responsable de la chose publique, où chacun aussi, selon sa valeur, peut librement se faire au soleil sa place légitime ! »

Une circulaire ministérielle du 13 août 1864 regrette encore que bon nombre d’écoles primaires n’aient point « de ces fêtes de fin d’année, où la bonne conduite et le travail sont publiquement récompensés » .

Toutefois, Eugène Rendu prévient : « pour dérober les instituteurs aux réclamations passionnées, quelquefois même aux invectives des parents, les prix sont prodigués sans mesure ; et alors ils ne constituent plus une distinction, mais une distribution banale ; en ce cas, ils habituent les enfants à recueillir un bénéfice que le travail n’a pas mérité ; ils ne sont plus qu’un moyen d’aveugler les élèves sur eux-mêmes, en endormant la sollicitude des parents …»

Et dans une instruction de juillet 1865, le ministre persiste à croire « que cette coutume serait excellente à la condition expresse que les prix seront délivrés avec discrétion, pour n’être donnés qu’aux élèves les plus méritants. »

 

Un cérémonial réglementé

 

Le Maire ne manque pas de rappeler aux membres du conseil municipal d’assister à la distribution des prix des écoles primaires communales , « cette solennité », afin de lui donner un éclat favorable au succès de l’Ecole.

A partir d’octobre 1873, ayant la prérogative de désigner les présidences de distribution de prix pour les écoles communales, le préfet de Seine-Inférieure sollicite ses sous-préfets d’arrondissement pour établir « la liste des personnes qui, par leur aptitude et la sûreté de leurs principes, pourraient être appelées à la présidence des distributions de prix. » En 1877, dans une circulaire, il rappelle « qu’aucun discours ne pourra être prononcé en cette solennité scolaire sans avoir été préalablement soumis à l’approbation du président. » Il ajoute que le Conseil départemental de l’Instruction publique « a formellement interdit dans les écoles communales toute espèce de représentation théâtrale à l’occasion de la distribution des prix. » Puis, en 1882, ce sont les maires qui assureront  la présidence des distributions de prix et, elle ne pourra être déléguée sans l’autorisation de l’administration préfectorale.

Le bulletin de l’instruction primaire de la Seine inférieure  encadre les dates de distribution de prix en fonction des dates de vacances scolaires. Par exemple, en 1884, les vacances des écoles primaires publiques commençant le 15 août 1884 et se terminant le 30 septembre, il est stipulé que « les distributions de prix ne pourront avoir lieu avant le 13 août, à moins d’une autorisation spéciale de M. l’Inspecteur d’Académie. »

                A Rouen, pendant de nombreuses années, la distribution solennelle des prix pour les écoles primaires communales  se déroule au Lycée Corneille, en présence de personnalités locales. En 1910, on note la présence de M. Doliveux , Inspecteur d’Académie ; en 1915, celle de MM. Morain, Préfet de Seine-Inférieure et Franqueville, premier président de la cour d’appel….. La remise des prix pour les écoles communales de garçons a lieu un autre jour que celle organisée pour les écoles de filles. Un ordre d’appel des écoles est même établi.  

 

Des livres ….

 

Entre temps, dans une circulaire aux préfets, le ministre Bardoux regrette que  les administrations municipales ont, « dans bien des cas, favorisé l’acquisition de livres, à vil prix, et qui le plus souvent, n’ont aucun mérite ni moral ni littéraire. » Il estime que, par un choix judicieux des récompenses, « on habituera vite les parents à préférer, pour leurs enfants, des ouvrages moins nombreux sans doute, mais véritablement utiles. Il recommande aux maîtres et aux municipalités  le catalogue des livres approuvés par la Commission des bibliothèques scolaires afin que soient choisis « des livres les plus propres à développer […] le goût de l’étude et l’amour du devoir ». L’inspecteur primaire est chargé d’y veiller en apposant son visa sur la liste de ces livres..

Parfois, ce contrôle permet de préserver la neutralité de l’école. En août 1893, un inspecteur primaire est alerté sur le fait que deux personnes se proposent de donner aux écoles dans un but de propagande électorale des volumes reliés et portant la mention « offert par MM. C….  et R…. ». Instruction est aussitôt donnée d’en interdire la distribution. On rappelle aux instituteurs et institutrices que le nom du donateur doit toujours lui être indiqué.

En 1918, par mesure d’économie et face à de lourdes charges, l’administration municipale décide de substituer aux livres de prix, un diplôme allégorique de la guerre. Cette disposition, renouvelée pendant plusieurs années, permet de réaliser une économie de près de 42 000 francs. Cette année-là, les 9.980 diplômes nécessaires sont fournis à la Ville par la maison d’édition Duval d’Elbeuf..

 

Pour en savoir plus, voir livre page 194